Attention: cette image est dangereuse!
Eh oui! Cette image est dangereuse! C’est du moins l’impression
que j’ai lorsqu’un certain public s’en approche. J’ai pu
faire cette constatation au 4ème grenier des mots de
Thaon-les-Vosges, où j’étais présent en tant qu’artiste et
écrivain. J’avais disposé certaines de mes toiles pour attirer le
public vers mon stand. Et le résultat fut… contrasté. En effet,
pas mal de gens s’approchaient, avant de repartir aussitôt, en se
signant... ou presque. A ce titre, mes arbres à mains font toujours
un effet boeuf. Une mamie tombe en arrêt, devant cette toile, s’en
approche, pour tenter de comprendre ce qu’elle représente, puis
soudain, se reprend, et agite un bras tout en bredouillant un
indistinct: “Ah non! Ca je peux pas”. Puis elle s’enfuit vers
le stand voisin.
Il
faut dire que les personnes âgées, qui bien souvent n’ont pas été
initiés aux joies des genres de l’imaginaire, représentent une
grosse proportion des visiteurs de ce salon. Tout au long du
week-end, ils ont jeté sur mes toiles un regard effrayé ou
méprisant, passant vite, très vite devant mon stand, de peur qu’une
malédiction les frappe, qu’une créature étrange s’échappe
d’une mes images et leur saute à la gorge. Quelques exceptions
notables à cette règle ont émaillé le week-end, car il y a
toujours, heureusement, quelques passionnés qui m'assurent que mes
toiles sont géniales (si si!)
Dans
la plupart des cas, les enfants, qui ne mettent pas de filtre entre
eux et leurs émotions, son attirés par mes créations. Une mère de
famille, le visage fermé, a l’air bien embarrassée de voir ses
rejetons fascinés par mes images. Elles les empêche de toucher mes
cartes postales, car celles-ci les touchent, justement. Peut-être
a-t-elle peur qu’ils soient contaminés par mon art? Après avoir
fait un tour du salon, elle revient finalement. “Je peux vous
acheter cette carte postale? C’est pour mon fils. Il n’arrête
pas de m’en parler.” Merci les enfants. Vous êtes ma vengeance!
Je préfère vos petits doigts qui salissent mes cartes postales aux
regards des adultes qui semblent voir le diable dans mes créations.
Ceci
dit, je m’interroge véritablement sur ce que dégagent mes images.
J’ai conscience qu’elles peuvent mettre mal à l’aise et que
mes émotions les plus tourmentées sont le terreau de certaines
d’entre elles. Mais mon intention lorsque j’élabore ces scènes
fantastiques n’est rien d’autre que de créer une forme de
poésie. Toujours à propos de mes arbres à mains, une psy, en
visite sur une de mes expos, m’a dit qu’elle verrait bien ces
images dans son cabinet. Car selon elle, elles seraient susceptibles
de plonger ses patients dans un état second, un état de sidération,
propice à la thérapie. Ce qui ferait de moi une sorte de sorcier,
si je comprends bien. De mémoire, c’est l’un des plus beaux
compliments qu’on ai pu me faire.
Un
écrivain avec lequel j’ai longuement échangé, m’a demandé
très franchement s’il était pertinent de créer de l’inquiétude
avec mes images, alors que nous sommes baignés en permanence dans un
flux de messages anxiogènes, via une actualité déprimante, qui
tourne en boucle sur les chaînes d’info en continu et les réseaux
sociaux. Moi qui me coupe volontairement de l’actualité - en
pointillé - pour éviter cette forme de pollution, une telle
question me touche. Mais il me semble tout de même que si certaines
de mes images peuvent être inquiétantes, le fait je recycle cette
noirceur à travers le filtre de l’imagination change tout. Et
puis, il y a tout de même beaucoup moins de violence et d’angoisse
dans mes créations que dans le tout venant du fantastique ou de la
science-fiction. Pas de têtes coupées, pas de zombies, pas de
combats intergalactiques avec explosions dans tous les sens.
Quant
à toi lecteur de cet article, qu'est-ce que mes créations
t'évoquent? Est-ce qu'elle te font peur, rire, rêver? Est-ce
qu'elles font bouillir ton cerveau? Est-ce qu'elle t'endorment comme
un somnifère?
Non, pas du tout, elles éveillent au contraire ! je n'y ai rien vu d'inquiétant, beaucoup plus proche d'images de rêves… Mais les rêves font peur… Pour moi qui suis artiste, je partage votre sentiment à l'égard du non-public (celui qui se déplace pour voir de jolies choses mais qui tourne les talons quand ça touche à la conscience). Fabien
RépondreSupprimerBonjour
RépondreSupprimerCe qui est différent fait peur,
Le public veut, désire, revendique du nouveau, du mystérieux, de la différenciation (à en juger par le nombre d'objets personnalisés proposés dans tous les domaines :alimentaire, vestimentaire, physique...)...et en même temps, s'effraie, se rebelle, s'outre devant le "différent, le non-commun, voire le "hors du commun "...)
quel humain "normal " aurait 3 mains? Voire 4? Pire, 5? Etre tentaculaire? Tu n'es plus un semblable, plus un humain, plus ce frère? Tu dois devenir un ennemi? Nous devons même t'eradiquer si possible? Te combattre? De faire tomber à terre... Montrer la puissance de l'homme normal qui excelle! Celui qui chasse..qui domine..
Cet homme normal même qui en oublie d'où il vient...il a appris à grandir pour sa survie, non pour dénoncer ou juger autrui...
Respectons nous svp,
J'apprécie énormément ce travail, l'explication de l'artiste est parfaitement développée.
Merci Ced,