Le poème du ferrailleur
Lorsque j’étais gamin, je me rendais souvent avec
mon père dans les casses-autos où il dénichait les pièces qui lui permettaient de
réparer sa voiture ou celle de ma mère. J’ai été fort marqué par l’atmosphère
particulière de ces endroits hors du temps. Par les postures spectaculaires de ces épaves, dinosaures mécaniques figés dans leur dernier
râle. Je passais ma tête par la fenêtre des carcasses dont l'intérieur baignait dans une odeur, difficile à définir - mais qui me plaisait! - où se mêlait probablement celles du cambouis, du caoutchouc fossilisé au soleil, et des sièges craquelés par le temps. Je collais mon oeil au ras des carcasses pour les faire ressembler à d'immenses temples rouillés perdus dans une jungle de ronces. J'ai le sentiment que ces escapades ont durablement marqué mon imaginaire, et qu'elles m'ont donné, à égalité avec le cinéma ou la BD, le goût de l'étrange et des mondes fantastiques.
Beaucoup plus tard, je suis retourné à plusieurs reprises sur ces lieux, pour photographier ces vaisseaux fabuleux, comme tombés d'une mystérieuse faille temporelle puis abandonnés par leur équipage. Un jour, de gros lézards verts avaient colonisé les carcasses, mais je n'ai pas réussi à les photographier.
Ces photos m'ont servi et me serviront probablement encore à bricoler des compositions étranges, notamment dans le cadre du monde de To. En voici quelques unes, brutes, non transformées, que j'ai mariées à une sorte de poème. J'avais publié ce ping-pong entre texte et images il y a une éternité sur feu myspace. Ce serait dommage de le laisser rouiller dans un coin, comme ces tacots oubliés.
Echeveau de 2cv
Rouille tranquille au soleil
Ronces caressent les carcasses
Hors des orties, exorbite tes optiques
L’américaine, amère, serre les chromes
La forêt fore un coupé sport
L’envers des rétroviseurs reflète, piquée, une époque opaque
Et voici une musique à emporter avec vous dans les visites de
casses-autos (ou au cours d'un road-trip dans l'ouest américain).
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